Une fois n’est pas coutume, je m’inspire du titre d’un article (Les Echos Patrimoine du 22/06/2018) au lieu de le trouver moi-même ?
En même temps, si on lit cet article, on se rend vite compte que malheureusement, il ne répond pas à cette question … ou alors qu’il y répond tacitement, en indiquant que le placement est le prix du conseil, ce qui n’est pas beaucoup plus clair.
Ok, la nouvelle réglementation (MiFID II) impose aux distributeurs ou gestionnaires de faire apparaitre clairement les frais liés aux placements. C’est une bonne chose, mais qui lit vraiment les petites lignes ? Qui s’intéresse aux coûts cumulés entre le moment du placement et le moment où l’on récupère les fonds ?
Selon les circonstances de ce placement, les qualités de closing du vendeur rencontré, et l’intérêt que l’on porte au suivi de son épargne (qui se limite souvent à vérifier qu’elle rapporte plus que le livret A), qui va réellement porter une attention à ces nouvelles mentions ? Obligations légales qui sur-informent l’investisseur et perdent souvent de vue leur but initial en l’abreuvant d’informations indigestes.
Vouloir réglementer un secteur est une bonne chose. Mais encore faut-il être conscient des implications de la réglementation dans les pratiques des professionnels. Si je m’en réfère à cet article, 12 000 CGP dépendent du statut de CIF. Ce qu’impose la loi, c’est que les CGP CIF ne pourront plus s’appeler CGPI (indépendant) s’ils ne se conforment pas à la loi, et qu’en conséquence 90% d’entre eux vont juste changer leur dénomination, pas leur façon de travailler.
Je ne sais pas quel était le but précis de cette loi mais elle semble avoir quelque peu ratée la cible, non ? Une fois encore, les professionnels déjà bien installés, n’ayant pas besoin de développer leur fonds de commerce, vont s’adapter pour ne surtout pas avoir à changer. Les 10% restants, à mon humble avis, facturaient déjà du conseil et continuerons, de façon transparente, à un tarif horaire très élevé, de façon à conserver leurs revenus sans avoir à développer leur fonds de commerce, mais avec un peu plus de transparence, ce qui est tout de même appréciable.
Mais vous me direz, on sait qu’on vit dans un monde pourri et tu nous parle de finance, alors est-ce vraiment étonnant et où veux-tu en venir ?
Une mesure qui elle aurait été plus efficace, aurait été de forcer tous les « conseillers » en gestion de patrimoine, qu’ils soient CIF ou pas, à respecter cette nouvelle transparence, sous peine de ne plus avoir le droit de s’appeler conseiller, mais vendeur ou distributeurs.
Parce que le vrai prix du conseil est là … dans le conflit d’intérêt systématique qui existe lorsque le « conseiller » est rémunéré via la solution qu’il conseille. Comment être sûr que le conseil donné est adapté quand le seul élément qui rémunère l’interlocuteur est le placement ou l’investissement qu’il va proposer ?
La réalité, c’est que l’encadrement législatif très lourd des professions du conseil financier (ou de la distribution financière) ne sécurise nullement le client. Qu’être affilié à l’Orias ne vous assure que d’avoir un interlocuteur avec niveau d’expérience minimum ou un diplôme, mais absolument pas quelqu’un de bienveillant, qui aime son métier et travaillera avant tout dans votre intérêt et non le sien. Qu’avoir droit à une lettre de mission, un suivi régulier et un bilan annuel ne vous garantira pas beaucoup plus de compétence mais des frais supplémentaires pour le temps passé en suivi administratif.
Au final, hier comme aujourd’hui, tout dépend de votre interlocuteur. Est-il avide ? Est-il suffisamment pédagogue ? Bienveillant ? Pourquoi pratique-t-il ce métier ? La recommandation peut apporter des bribes de réponse mais n’est jamais 100% efficace.
Malheureusement, la loi à échoué pour clarifier ce point là … Maintenant, que faire ?
Certains secteurs d’activité n’ont que très peu évolué au cours des 50 dernières années et d’autres, au contraire, ont été révolutionnés par l’essor des technologies de l’information et de la communication (avec pour conséquence une baisse drastique des tarifs, les clients ayant un accès immédiat aux autres offres). Le secteur financier fait partie de ceux qui ont le moins évolué, et l’impact technologique n’a affecté presque que le monde bancaire à ce jour, avec une stratégie de réduction des coûts de structure via des fermetures d’agence, les services pouvant êtres gérés de façon autonome sur Internet. Au sein des autres composantes du secteur financier (gestion d’actifs, assureurs, conseils/distributeurs, …), rien ou presque n’a changé.
Pour ce qui est du conseil, ce sous-secteur tant légiféré, je ne pense pas que les prix moyens aient baissé, bien au contraire lorsque le conseil est facturé. La législation ne s’est traduite que par une adaptation administrative des acteurs en place et aucunement par un changement de pratiques !
Dit autrement, les situations de rente sont toujours nombreuses et les acteurs n’ont pas vraiment envie de faire évoluer habitudes : « si ça marche bien comme ça, pourquoi faire autrement ? ». Or le secteur financier n’a pas bonne presse, et le conseil financier n’a plus beaucoup de sens aux yeux de la nouvelle génération pour les raisons évoquées ci-dessus. « Je vais voir mon conseiller pour qu’il me propose un taux », est une phrase que je lis souvent sur des forums traitants de ce sujet et des banques en particulier. Elle est symptomatique car on se rend compte que le mot « conseiller » a de moins en moins de sens – voir plus du tout – à force de l’avoir utilisé dans le secteur marchand à la place du mot « vendeur » (le fameux « conseiller commercial ») et qu’il y a une réelle confusion entre les deux. Le risque est grand de voir le conseil financier disparaitre presque totalement à long terme sauf pour une minorité de clients très fortunés, si nous continuons comme ça, avec des banques n’ayant plus de points de contact physique et des clients allant souscrire leurs solutions de placements seuls sur internet (parfois même par l’intermédiaire de leur banque !). Reste que le conseil financier est une discipline complexe mettant souvent en lumière des contradictions internes à l’investisseur, et qu’il est souvent très utile pour éviter les erreurs couteuses … a fortiori dans un pays où la culture financière est quasi inexistante.
Face à ce constat peu encourageant d’un secteur d’activité dégénérant de l’intérieur, presque aidé en ce sens par l’organe législatif, peut-on entrevoir du positif ?
Je crois profondément que ce ne sont pas les lois qui font évoluer nos sociétés sur le long terme mais bien nos actions en tant que consommateurs, investisseurs, citoyens, entrepreneurs …
Il faut inciter les indépendants du patrimoine à travailler différemment. Il faut les inciter à venir prendre la place laissée vacante par les agences bancaires qui disparaissent. Mais pour ce faire, il faut que les indépendants acceptent également une évolution de leurs conditions de travail. Acceptent de gagner moins, parfois beaucoup moins par client. Et surtout de porter en eux cette nouvelle posture de transparence totale alliée à un conseil avisé, nécessaire à l’heure de l’internet, afin de redonner confiance aux particuliers dans le conseil financier, de lui redonner du sens à leurs yeux.
C’est l’ambition que je porte en créant MonConseilFinancier.fr, avec un business model uniquement axé sur la rémunération horaire du conseil, à un prix ne dépassant pas le coût d’une carte bancaire dans une banque physique, afin d’assurer une promesse relationnelle similaire, pas plus chère, mais beaucoup plus enrichissante (à tous les niveaux) car totalement indépendante et sans aucun conflit d’intérêt.
J’espère que cette voie que j’ouvre me permettra dans un premier temps de vivre, puis de me développer, afin de montrer le chemin à tous ceux qui pratiquent le conseil mais ne voient pas, à ce jour, l’intérêt de faire différemment.
François GALVIN.
Bonjour François,
ça fait plaisir à lire, je suis tout à fait d’accord.
Mais il y a une chose qui n’a pas été abordée, c’est concernant les diplômes des conseillers financiers.
Oui il faut que les conseillers changent de comportement, mais certains ne sont pas conscient qu’ils vendent de la merde.
je le vois j’ai suivi la formation agent générale prévoyance et patrimoine chez AXA et la formation CGPI chez Prodémial, je me suis rendu compte que c’était mauvais parce que j’ai 10 ans d’expérience d’investissement, mais celui qui n’en n’a pas ne se rendra pas compte, il répètera bêtement à son client ce qu’il a appris en formation.
Ensuite, le système pousse les conseillers à ne pas être de bon conseil. Quand j’ai vu ce que AXA me demandé de vendre, je me suis dit tempi, je gagnerais moins d’argent mais je vendrais pas le produit X. Le problème ce que si je ne vendais pas tant du produit X dans l’année, je perdais mon certificat. Et pour garder mon certificat je devais également faire 10% de ventes en plus chaque année.
Chez Prodémial en tant que CGPI j’aurais eu plus de liberté, mais je n’étais pas d’accord avec mon parrain, et là on rentre avec les problèmes liés avec le MLM.
Merci François pour ce que tu fais. je n’hésiterais pas à parler de toi.
Bien cordialement,
Bonjour Fabien,
Merci beaucoup pour ton commentaire. Pour ce qui est des diplômes, il est vrai que l’investissement en actions en direct ne fait clairement pas partie de l’apprentissage théorique (et ce quel que soit le diplôme). Après, en théorie au moins, toutes les formations validantes pour les conseils en investissement financier (CIF) doivent aborder le rapport rendement / risque ainsi que la diversification qui sont le socle de la théorie financière, et je ne suis pas certain qu’il y ait forcément besoin de plus pour la majorité des CIF. J’ai croisé des collègues en Banque qui n’avait pas ce socle de connaissances mai étaient néanmoins de très bons conseillers, par expérience mais surtout par leurs qualités humaines (et je n’entend pas par là commerciales, mais plutôt l’humilité, l’empathie et l’altruisme). Ce qui pose problème est ce que tu as vécu comme formation, qui ne sont pas requises pour exercer d’une manière générale mais qui sont demandées par les réseaux que nous pouvons souhaiter rejoindre. Et là, souvent, on oublie ce qui a été dit lors du la formation initiale pour se plier aux volontés commerciales de l’entreprise, avec à la clé une très forte rémunération en cas de succès. La carotte (et le bâton !) fait souvent oublier ce qui a été appris, alors même que les réglementations sont assez claires (Mifid2 principalement) sur la volonté du législateur européen de mettre fin aux conflits d’intérêts. Après, il est difficile de dire si cette évolution entre théorie et pratique est consciente ou non, tant l’ancrage est un biais cognitif puissant que l’on peut vouloir appliquer à soi même pour réussir, comme l’accepter par habitude. Sans rentrer dans le détail de ce sujet complexe, il me semble qu’il est relié à deux autres thèmes plus larges : l’avidité (qui est un trait de caractère) et le penchant pour l’ordre (la réglementation qui en fixant des limites permet aux organismes / individus qui pratiquent ces activités. Ceux ne souhaitant pas agir dans l’esprit de la loi peuvent le faire tant qu’ils respectent le formalisme demandé par la loi).
Pour le MLM, c’est à mes yeux une des pires dérives, car elle permet de s’exonérer de la communication pour effectuer son développement commercial, avec à la clé un système pyramidal de recommandation qui repose sur l’orientation intéressée vers un professionnel et non la qualité du service rendu par ce dernier …
Très bonne journée à toi, au plaisir de te lire,
François.