L’époque est à l’information simple et facilement accessible et transmissible via les réseaux sociaux, fonctionnant souvent en vase clôt en raison des algorithmes. Mais malheureusement, qui dit simple dit souvent faux ou partiel à tout le moins. On le voit sur de nombreux sujet, et l’information détaillée, complexe mais réelle n’est que rarement acceptée, et encore moins quand l’émetteur de l’information est une personne publiquement exposée (politique, milieu économique, …). Le problème étant très vaste, j’ai décidé dans cet article de l’analyser au niveau de mon secteur d’activité : l’investissement financier.
Tout d’abord, afin de donner plus de crédibilité à ce qui va suivre, posons deux éléments : 1) non, je ne suis pas intéressé dans l’orientation des conseils que je donne à fortiori dans un article dont le but est de montrer mes compétences. 2) Vous ne lirez presque jamais ce type d’informations sur internet (et les réseaux sociaux) pour la raison inverse au 1). La majorité des articles, textes, conseils sont là pour vous faire agir dans un sens bien précis surtout lorsqu’il n’y a pas de rémunération affichée. Les montants en jeu dans la distribution financière sont importants et, couplés à une faible culture financière du public ciblé, il est aisé de manipuler les informations afin faire agir son public dans un sens voulu (et que le « conseilleur » soit rémunéré en toute opacité).
Il y a une autre raison pour laquelle vous ne lirez que trop peu souvent des conseils de ce type : la psychologie humaine. Pour mieux comprendre cet aspect, revenons un peu dans le passé, pour y comprendre que ces ressorts psychologiques ne sont pas propres à l’époque mais bien à l’être humain.
Avant même l’invention du conseil financier, au même moment que l’apparition des premières banques, on a observé des bulles spéculatives (il y en a probablement eu avant mais pas de support pour ne garder une trace). Une bulle spéculative se matérialise par une exubérance irrationnelle (pour reprendre l’expression chère à JM Keynes) de la part des acheteurs (et vendeurs) d’un bien ou d’un service, d’explication purement psychologique. Mais que se passe-t-il donc dans nos têtes, que ce soit à l’époque des tulipes en hollande (17è siècle) ou la bulle Internet de 2000 ? Qu’est-ce que cette exubérance irrationnelle ? On oublie simplement la raison, le temps et la valeur des biens et services en se focalisant sur son prix. On observe des personnes qui s’enrichissent rapidement autour de nous et on veut les imiter. Ce faisant, on amplifie le processus, qui termine inévitablement de la même manière : par une chute brutale des prix de ces biens et services et la ruine des dernières personnes entrées dans la bulle avant qu’elle se dégonfle. Pour d’autres personnes (moins bien intentionnées), qui ont conscience de cette irrationnalité, il s’agit de profiter de la « faiblesse » psychologiques des autres, ce qui ne les exonère pas de se faire emporter dans la chute s’ils ne sont pas prudents. Et à chaque flambée des prix d’un actif (crypto-monnaies, action, immobilier, …), on retombe sur le même schéma, avec des personnes profitant de la crédulité d’autres pour s’enrichir, volontairement ou involontairement. Même d’une manière plus générale, lorsqu’il n’y a pas de bulle spéculative, on trouve toujours des personnes prêtes à exploiter les failles psychologiques des autres. L’exemple le plus criant est l’analyse technique pour l’investissement en bourse. A la mode depuis des décennies, on trouve de très nombreuses informations, conseils sur Internet ou dans la presse, alors même qu’il n’y a aucun fondement théorique justifiant de la lecture et l’anticipation des cours de bourses. Pire encore, il n’y a pas de statistiques viables confirmant que même par hasard, cette méthode fonctionnerait. Au contraire. Mais essayez de trouver ces informations sur Internet, je vous souhaite bien du courage. En fait, les personnes « victimes » de ces arnaques en les meilleurs avocats tant qu’ils sont encore « en course » et communiquent allègrement sur leurs succès, validant à la fois leurs choix et en même temps ayant l’impression d’être meilleurs que les autres.
Mais détaillons cette faiblesse psychologique : de quoi s’agit-il ?
Il s’agit en fait d’un cumul de biais cognitifs liés à une faible connaissance des biens et services en question. Pour ce qui est du domaine financier, il n’intéresse que peu de monde compte tenu de la technicité, et n’étant pas (ou peu) enseigné dans le secondaire, c’est logique que peu de monde possède les connaissances suffisantes pour éviter les pièges. Mais alors pourquoi le cerveau tombe si facilement dans ces pièges ? Quels biais sont à l’œuvre ?
Je pense que le principal est la quête de sens. Le cerveau fonctionne de telle sorte que nous aimons le sens, les histoires et donc que nous détestons le hasard. Et lorsqu’un domaine nous est étranger, comme la finance, on aime à croire plusieurs choses :
- Que le sens réel nous est caché, et qu’une élite détient les connaissance. Lorsque quelqu’un nous propose les clés, qu’elles sont simples à comprendre et qu’elles correspondent à la croyance citée au-dessus, nous avons plus de chance de nous laisser tromper.
- Que l’on peut s’enrichir rapidement et facilement, avec des recettes sans faille.
- Que l’on peut devenir exceptionnel, meilleurs que les autres ou la « moyenne ».
- Que l’on sait quel sera l’avenir, tout est logique et créé une aisance cognitive qui nous conforte dans nos choix passés.
Or la théorie financière enseigne exactement l’inverse, ce qui explique probablement le peu d’affection portée par la population.
Le fonctionnement du cerveau explique ces biais. Il est très difficile de se projeter dans le temps, et de percevoir par exemple un projet d’épargne comme un effort régulier et progressif sur 40 ans. Il est beaucoup plus sexy de regarder son compte bitcoin s’apprécier de 40% dans la journée. C’est l’angle de vue interne que l’on peut avoir sur sa vie par rapport au grand angle, qui nécessite une prise de recul (indirectement un gros effort) pour en comprendre l’intérêt à long terme. Idem pour la compréhension des statistiques. Si en moyenne les gens n’arrivent pas à générer plus de 8%/ an, pourquoi moi je ne le pourrai pas ? Pourtant, sortis des statistiques, il n’y a plus de certitude. Nous ne pouvons nous reposer que sur la chance, ce qui revient à jouer à la loterie. Ce qui nous amène à un second aspect psychologique propre à la gestion de l’argent :
L’effet Casino. La perspective de gagner (ou perdre) beaucoup rapidement permet la sécrétion d’hormones qui agissent sur notre bien-être. C’est la raison pour laquelle les jeux de hasard ont autant de succès (mais au moins, eux, assument leur côté aléatoire et ne cherchent pas à tromper leur public). Et c’est pour cette raison que le jeu peu devenir une addiction. L’excitation liée à la perspective d’un gain important est bien plus importante que celle générée par une stratégie d’épargne qui rapporte de façon stable et qui permet de se construire un capital pour la retraite par exemple.
Comme nous l’avons vu précédemment, ces problèmes constatés ne sont pas spécialement liés à l’époque, bien qu’Internet et les réseaux sociaux amplifie l’effet, une partie de la communication d’antan étant plus éthique même si moins appréciée par le grand public. Quelque part, et pour bien d’autres domaines que la finance, les médias classiques ont bien vite sacrifié ce rôle éthique sur l’autel de l’audimat face à la concurrence des réseaux sociaux, ce qui participe à expliquer nombre de problèmes que nous vivons aujourd’hui.
Le cumul des deux biais précités explique, à mon avis, comment les recettes « miracles » font pour avoir toujours autant de succès.
Je vous ai promis la vérité, la voilà (même si vous pouvez la lire en filigranes ci-dessus) !
Il n’y a pas de recette miracle qui vous permette de vous enrichir rapidement, et il n’y en a jamais eu. Personne ne vous a jamais caché d’information. Si vous êtes allé chercher les informations, vous ne les avez probablement pas cru ou, sauf à être intéressé par ces sujet, elles ne se sont pas inscrites consciemment et durablement dans votre mémoire.
La seule méthode, sans rentrer dans les détails, consiste à 1) dégager une capacité d’épargne et se tenir à placer par périodes régulières. 2) Investir en fonction de son horizon de placement en prenant d’autant plus de risques que l’horizon est lointain. En effet, les actifs les plus risqués sont également les plus rentables (je pense aux actions principalement). 3) Diversifier les investissements en fonction des différentes classes d’actifs et de sa sensibilité à la perte 4) Faire évoluer la répartition de ses investissements à mesure que l’horizon se rapproche, en diminuant les risques au fur et à mesure afin de protéger le capital acquis. 5) Se tenir à la stratégie et ne pas la remettre en cause sur un coup de tête en cas de baisse (ou de forte hausse) de la valorisation de son portefeuille. Ce dernier point est en fait un appel à résister à l’exubérance irrationnelle qui peut survenir à tout moment, et à garder le cap et la tête froide en toute circonstance. En suivant ces étapes et en s’y tenant, vous serez en mesure de vous constituer un capital à long terme (20 ans ou plus) important, et vous permettant soit de compléter vos revenus, de vous faire plaisir à la retraite, voire même d’arrêter de travailler 😉
J’ai cru lire récemment que la moyenne des sommes pariées dans des jeux de hasard en France étant d’environ 1600€ par foyer en 2017. Si cette somme était investie à un taux moyen de 5%/an (qui n’est pas extraordinaire mais tout à fait réalisable sur le moyen/long terme), vous donnerait 54 246€ au bout de 20 ans, 109 131€ au bout de 30 ans et 198 531€ au bout de 40 ans. Vous comprenez mieux l’importance de commencer tôt …
Si l’on porte le taux d’intérêt à 8%, 76 117€ au bout de 20 ans, 188 622€ au bout de 30 ans et 431 512€ au bout de 40. D’où l’intérêt de prendre des risques également …
François Galvin